J’étais présent hier dans l’hémicycle du Sénat pour défendre la proposition de loi tendant à renforcer les droits sociaux du pacte civil de solidarité.
Voici les textes de mes interventions. Respectivement sur l’article 1 relatif aux pacs signés en mairie et sur l’article 5 relatif aux pensions de réversion.
Article 1
La proposition de loi à l’ordre du jour est une belle loi.
J’y suis attaché car elle participe à la lutte contre les discriminations et garantit les fondements de notre République. Le principe d’égalité des citoyens est en effet l’un des ferments de notre identité nationale.
Cette loi entrera en vigueur un jour ou l’autre, soyez-en convaincu, parce que la législation ne peut indéfiniment être en décalage avec la réalité et l’évolution de notre société. Bien sûr, ce progrès ne sera peut-être pas réalisé ce soir – il y a peu de surprise quant au résultat du vote de tout à l’heure – mais elle sera adoptée dans une session future.
A vous mes chers collèges de savoir quelle majorité accomplira ce geste décisif.
Le pacte civil de solidarité adopté en 1999 après de houleux débats n’est pas parfait.
Il n’est pas parfait car il est reste, à certains égards, discriminatoire. Et c’est à nous, aujourd’hui, que revient l’honneur d’améliorer une loi incomplète.
N’est-il pas en effet de plus beau travail législatif que de mettre fin à une forme de discrimination qui touche plus d’un million de nos concitoyens ?
Je vous le dis, la loi que nous avions votée il y a 10 ans est imparfaite. Nous ne sommes plus en 1999 : les temps ont changé, les mentalités ont progressé. Les polémiques et les débats d’alors appartiennent à une époque révolue. Les outrances, je l’espère, également. Observez simplement la part respective des PACS signés par des partenaires homosexuels et hétérosexuels, et vous constaterez qu’à l’évidence, établir dans ses droits une minorité est un acte qui, au final, améliore les droits de chacun. La lutte contre les discriminations ne visent pas à promouvoir une minorité, quelle qu’elle soit, mais à faire progresser la liberté de toutes et tous.
Le PACS est le grand oublié de la citoyenneté, le PACS est l’angle mort de la vie familiale. La mairie est le lieu symbolique qui marque toutes les grandes étapes de la vie d’un individu, qu’elles soient heureuses ou douloureuses. La mairie est le cœur, le centre de nos communes où dès 1792 les registres paroissiaux ont remplacé par les actes d’état civil.
La mairie est un lieu connu, reconnu, accessible et proche de l’ensemble des citoyens : 36000 communes pour 473 tribunaux d’instance, la démonstration de l’accessibilité est faite.
Je pose cette simple question : pourquoi le pacte civil de solidarité n’aurait pas le droit au même traitement que les autres actes d’état civil?
L’État civil est lié à la citoyenneté, il est indissociable de la mairie. Le pacte civil de solidarité modifie l’état civil de la personne. Chez tout pacsé, il est fait mention, porté en marge, de la modification de son d’état civil. Tout contribue aujourd’hui à faire de la mairie le lieu naturel d’enregistrement du pacte civil de solidarité.
En tant que sénateur-maire je n’ai jamais admis que le PACS doive s’inscrire aux greffes des tribunaux d’instance.
Vous nous expliquez que si cet article est louable, il est difficilement applicable à cause de l’augmentation consécutive de la charge de travail que ce déplacement engendrerait dans les services d’état civil municipaux. Il s’agit à l’évidence d’un argument fallacieux : comment, en ce cas, ne pas tenir compte des effets de la réforme de la carte judiciaire et de la fermeture annoncée de 178 tribunaux ?
Je conclurais mon propos par une citation de l’un des candidats à la dernière élection présidentielle, qui résume assez bien l’article présenté :
« Je suis donc pour une union civile […] qui ne se passe pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie ». Je n’aurais sans doute nul besoin de préciser à mes collègues de la majorité que ce candidat, en mai 2007, est devenu le Président de la République française.
Article 5
Je citais Nicolas Sarkozy à la fin de mon intervention relative au premier article. Nicolas Sarkozy, à la conquête comme dans l’exercice du pourvoir, s’est toujours gargarisé de vouloir réformer la société en profondeur, accomplir une rupture, et il ne cesse depuis deux ans de vanter son bilan et de maintenir le cap de ses ambitions.
Le candidat Nicolas Sarkozy, pourtant, assurait à l’époque que « l’union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés qui ira jusqu’au droit à la pension de réversion. »
En votant contre ce texte, il est inutile de nier que le gouvernement se démarque nettement de la pensée présidentielle. Que justifie, alors que rien ne semblait l’annoncer jusqu’ici, une telle volte-face ?
Il y a des interrogations qui sont incontournables, et auxquelles ce texte prétend répondre.
Est-il acceptable et légitime qu’au sein d’une même fratrie, en fonction des orientation sexuelles de chacun, le frère ou la sœur pacsé n’ait pas accès aux mêmes droits sociaux que leur frère ou leur sœur marié ?
Nos enfants, nos petits enfants se pacsent plus facilement qu’ils se marient. Et la part relative des homosexuels parmi les contractants d’un PACS ne cesse de décroître.
Êtes-vous prêts à leur répondre que, alors que vous en avez le pouvoir et la légitimité, vous avez refusé de garantir leurs droits sociaux ? Que lirez-vous alors dans leur regard ?
Si la loi reconnaît le caractère patrimonial du pacs, le devoir de solidarité et d’assistance réciproque des partenaires pacsés durant leur vie de couple, ceux-ci disparaissent aussi brutalement que le conjoint décède. Le pacs lie dans la vie et délie dans la mort.
Or la loi ne peut être fondée sur des présupposés discriminatoires.
Je rappelle, mais ici le sait s’il n’ose l’assumer, que la jurisprudence européenne considère comme discriminatoire l’interdiction faite au partenaire survivant lié par un pacs de bénéficier de la pension de réversion de son partenaire décédé.
La HALDE, Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité, créée en 2004 sous une majorité semblable à celle d’aujourd’hui, considère dans une délibération du 19 mai 2008 que la différence de traitement, en matière de pension de réversion, entre partenaire survivant et conjoint survivant n’est pas justifiable.
Je remarque que le gouvernement Fillon ne prend pas en compte les considérations d’une haute autorité créée par le gouvernement Raffarin. Serait-ce là, en définitive, la définition de la rupture ?
Quelles étaient vos convictions en instaurant la HALDE, en portant vos efforts dans la lutte contre les discriminations? Et quelle est aujourd’hui le sens ultime de cette Proposition de loi, si ce n’est de poursuivre le combat contre ce fléau, qui fissure la cohésion de notre société et met à mal la devise que nous portons fièrement sur le fronton de nos mairies ?
Par ce texte nous souhaitons élargir aux couples pacsés les droits sociaux accordés aux couples mariés. Aujourd’hui, la situation n’est pas tenable : le pacs fait non seulement perdre un grand nombre de droits individuels, mais en outre il ne donne pas accès à l’ensemble des droits sociaux des couples mariés.
Si aujourd’hui, avec au Pacs, le type d’union ouvert aux couples hétérosexuels s’est élargi, il en va toujours de même pour les couples homosexuels.
Aujourd’hui réunis autour de cette proposition de loi, nous dénonçons les limites de ce contrat ainsi que les inégalités choquantes qui le stigmatise vis-à-vis du mariage.
Comment est-il possible que dans la patrie des droits de l’homme il puisse survivre de telles inégalités sociales ?
Vous venez de permettre l’ouverture du capital décès aux fonctionnaires de la fonction publique d’Etat et hospitalière, jusque là réservé aux fonctionnaires de la fonction publique territoriale. Continuons sur cette lancée en ouvrant le droit à la pension de réversion aux partenaires pacsés. Possibilité déjà accordée par la plupart des pays européens qui ont institué des unions civiles. Ainsi vous adapterez le droit à la légitimité, et rattraperez le retard pris par notre pays vis-à-vis de bon nombre de ses voisins.